Pour aller plus loin dans l’entraînement cycliste sur votre home trainer, il peut être intéressant de se tourner vers les travaux réalisés par Frédéric Grappe, directeur de la performance pour l’équipe cycliste Groupama-FDJ et conseiller technique à la Fédération Française de Cyclisme. Celui-ci a mis au point une échelle pour estimer l’intensité d’un effort et ainsi mieux calibrer son entraînement. Explications.
L’échelle ESIE, qu’est-ce que c’est ?
Il s’agit d’une échelle relative à l’Estimation Subjective de l’Intensité de l’Exercice (ESIE). En bref, elle propose de traduire l’intensité d’un exercice, non pas par la fréquence cardiaque, mais par la perception subjective qu’en aura le cycliste.
Pourquoi ne pas utiliser la fréquence cardiaque pour mesurer l’intensité ?
Le postulat est le suivant : la fréquence cardiaque ne permet pas forcément de définir l’intensité à laquelle un exercice est accompli. En cause :
- différents facteurs externes qui peuvent influer sur la fréquence cardiaque,
- le fait que la fréquence cardiaque ne varie pas forcément immédiatement après un changement d’intensité.
Pourquoi l’estimation subjective est-elle un meilleur reflet de l’intensité ?
Le cyclisme est un sport de sensations avant tout, et ce malgré la démocratisation de l’utilisation des cardio-fréquencemètres, SRM et autres capteurs de puissance. La perception de l’exercice par le sportif lui-même représente donc un excellent indicateur d’intensité de l’exercice. L’échelle d’ESIE permet ainsi de lier la sensation aux données de puissance et de fréquence cardiaque.
Les clés pour comprendre l’échelle ESIE
Aérobie = effort modéré qui nécessite de l’oxygène pour fournir l’énergie à l’organisme. Filière des efforts longs, mais peu intenses (endurance).
Anaérobie lactique = effort intense ne nécessitant pas d’oxygène pour fournir l’énergie + production d’acide lactique. Filière des efforts courts, mais intenses.
Anaérobie alactique = effort très intense ne nécessitant pas d’oxygène pour fournir l’énergie, sans production d’acide lactique. Filière des efforts très brefs (quelques secondes), mais au maximum de la puissance.
PMA = Puissance Maximale Aérobie, soit la puissance maximale produite par les muscles lorsque le corps est au maximum de sa capacité à consommer l’oxygène.
FC Max = nombre maximum de battements que peut faire le cœur en une minute. On peut la calculer grossièrement avec la formule suivante :
- (220 – âge = FC Max) pour un homme,
- (226 – âge = FCMax) pour une femme.
Le plus sérieux reste de faire un test de terrain ou en laboratoire pour la déterminer précisément.
Zones d’intensité et échelle ESIE
Zones et intensité | Filière | Perceptions / sensations de l'exercice | Fréquence cardiaque (FC) et puissance (PMA) | Temps limite | Objectif |
Zone 7 Intensité maximale | Puissance anaérobie alactique | Aucune douleur musculaire. Impression d'un exercice en apnée. A la fin de l'exercice, hyperventilation. | FC : non significative PMA : 250% | 4 à 7 secondes | Développer la force maximale. Maintenir les capacités de vitesse gestuelle. |
Zone 6 Intensité sous-maximale | Puissance anaérobie lactique | Souffrance extrême durant l'exercice, proche de la nausée. Impossible de parler. | FC : non significative PMA : 150% | 30 secondes à 1 minute | Tolérance aux lactates. |
Zone 5 Intensité sur-critique | Puissance maximale aérobie (PMA) | Augmentation rapide de la douleur musculaire qui devient vite insupportable. Conversation très difficile en fin d'exercice. Epuisement complet entre 5 et 10 minutes. | FC : >96% FCmax PMA : 100% | 3 à 7 minutes | Augmenter le seuil de tolérance à la souffrance. |
Zone 4 Intensité critique | Puissance aérobie | Augmentation progressive de la douleur musculaire mais supportable. Conversation difficile. Epuisement important à partir de 20 minutes. | FC : 92% à 96% de FCmax PMA : 75% à 80% | 20 minutes à 1H | Supporter les intensités élevées de la compétition (contre la montre, bosses, échappées...). |
Zone 3 Intensité soutenue | Aérobie | Début des douleurs. Conversation pénible à tenir. Epuisement sur 2 heures. | FC : 85% à 92% de FCmax PMA : 65 à 75% | 1 à 2H | Maintenir sans problème le rythme moyen de la course sur toute sa durée. |
Zone 2 Intensité moyenne | Aérobie | Aucune souffrance musculaire. Maintien de l'intensité aisé. Conversation aisée. Fatigue à partir de 3 à 4H. | FC : 75% à 85% de FCmax PMA : 50 à 65% | Jusqu'à 5H | Supporter le kilométrage ou la durée de course. Récupérer (élimination déchets). |
Zone 1 Intensité légère | Aérobie | Aucune douleur musculaire. Pédalage en décontraction complète. Très facile de discuter. Fatigue sur plusieurs heures. | FC : <75% FCmax PMA : <50% | Plusieurs heures | Maintenir de nombreuses heures d'effort à intensité légère ou décontraction physique et psychologique. |
A partir de ces travaux, il est possible de calibrer des séances d’entraînement adaptées en fonction des objectifs de chacun, et des aspects sur lesquels on souhaite progresser. Ne reste plus qu’à monter sur le vélo ou le home trainer pour le mettre en pratique. On peut trouver une alternative côté anglo-saxon, avec l’échelle de Coggan, basée elle sur la FTP (Functional Threashold Power ou Puissance de Seuil Fonctionnelle).